COOPECLAS ou la coopérative comme moteur de développement Des idées pour le développement Publié le

Economie -

L’expérience de la coopérative financière COOPECLAS retracée dans cet article démontre de façon éloquente que le mouvement coopératif peut constituer un véritable moteur de développement économique pour Haïti. En effet, l’un des plus grands obstacles au décollage économique des pays pauvres comme Haïti demeure le financement des plans, programmes et projets de développement économique. L’État ne dispose pas suffisamment de moyens financiers pour mettre en œuvre ces plans. L’entreprise privée, notamment les petites et moyennes entreprises, pourrait représenter une bonne alternative. Mais là encore, dans les pays pauvres, les banques commerciales ne répondent pas aux besoins de financement des petites bourses. Particulièrement, dans les zones les plus reculées où ces banques n’existent même pas. Une grande part du portefueille de crédit des banques commerciales est accordée aux grandes familles bourgeoises de la capitale et des grandes villes. Dans un tel contexte, la probabilité qu’un simple paysan d’une section communale de Lascahobas obtienne un prêt bancaire demeure négligeable. D’où l’importance du mouvement coopératif qui peut atteindre cette couche défavorisée et marginalisée comme le fait la COOPECLAS dans le Plateau central. La COOPECLAS a vu le jour dans la commune de Lascahobas le 10 septembre 1998 lorsque plusieurs membres de différentes associations, dont la Coopérative des enseignants de Lascahobas (COLE) et l’Association des femmes de Lascahobas (AFAL), avaient décidé d’unir leurs forces pour mettre sur pied un mouvement coopératif. Ce dernier allait bénéficier de l’appui de Développement international Desjardins (DID) qui exécutait depuis 1995 le projet de Revitalisation du mouvement coopératif haïtien (RMCH) financé par l’Agence canadienne de développement international (ACDI). Par ce projet, le DID et l’ACDI se proposaient d’appuyer l’émergence et la consolidation des caisses populaires en Haïti. Il importe de mentionner que le Mouvement des caisses Desjardins est un mouvement de coopératives d’épargne et de crédit fondé en 1900 par Alphonse Desjardins à Levis, au Québec. En 2014, il comptait 6 millions de membres, dont 400 000 entreprises, plus de 5 000 dirigeants élus et 45 000 employés qui géraient un actif total de 210 milliards de dollars canadiens. Occupant présentement le premier rang nord-américain et le deuxième rang mondial dans le classement de solidité bancaire Bloomberg, le Mouvement Desjardins a largement participé au développement économique du Québec. Le mouvement coopératif pouvait jouer ce même rôle en Haïti si des dirigeants malhonnêtes n’avaient pas provoqué, en 2002, la faillite d’un grand nombre de coopératives indélicates, sapant ainsi la confiance de la population dans un projet viable. COOPECLAS illustre parfaitement le potentiel de développement des coopératives. Pour démarrer ses opérations le 15 décembre 1998, elle disposait d’un actif de 44 538 gourdes, dont 4 538 gourdes comme capital social collecté auprès des membres d’alors alors que les 40 000 gourdes restant représentaient un don de DID pour l'aménagement des installations de la Caisse. Peu de temps après, le 23 avril 1999, la COOPECLAS débutait ses opérations de crédit. Le comité exécutif s’est réuni pour la première fois pour analyser et octroyer trois dossiers de prêts dont le montant total s’élevait à 8 000 gourdes. Depuis lors, la Caisse n’a cessé de croître pour se hisser au rang des meilleures caisses populaires du pays. Et 18 ans après son lancement, la COOPECLAS demeure une force sociale et financière avec 38 818 membres contre 21 sociétaires au départ. Son actif s’élevait en 2016 à plus de 305 millions de gourdes. De 2 employés en 1998, elle est passée à 70, répartis en 4 points de service dans le département du Centre. Le portefeuille de crédit est passé de 8 000 gourdes à 209.8 millions de gourdes, son épargne a crû de 94 417 gourdes en 1999 à 207 millions de gourdes en 2016, et son capital s’élevait à 5.2 millions de gourdes pendant la même période. Il est donc très difficile de retrouver de telles réussites économiques et financières en Haïti ces derniers jours. Le visiteur qui se promène à travers les rues de la ville de Lascahobas remarquera, à coup sûr, à l’angle des rues Sténio Vincent et Bonne Foi l’imposant bâtiment logeant la COOPECLAS. L'édification de ce local n'est pas le fruit du hasard, ni de la générosité des bailleurs de fonds internationaux, précisent les dirigeants de la COOPECLAS avec un sentiment de fierté. Elle est le résultat d'un sacrifice consenti par les sociétaires qui ont renoncé à leur ristourne au profit d'un fonds de construction. Le passant admirera également la grande église Saint-Gabriel qui a été construite avec la solidarité agissante des Lascahobassiens et Lascahobassiennes, sous le leadership du révérend père français Jacques Block, de regrétté mémoire. Dans le souci de desservir beaucoup plus de personnes à travers le département du Centre, la COOPECLAS a ouvert le comptoir de Thomonde en 2004, celui de Hinche en 2007 et celui de Maïssade en 2013. Son expansion est appelée à prendre de l’ampleur puisque les dirigeants veulent améliorer leurs performances à tous les niveaux. L’expérience de COOPECLAS n'est pas seulement une réussite économique et financière, elle est aussi une réussite sociale. Elle a été conçue et développée par des professeurs, des commerçants et des agriculteurs de la commune de Lascahobas. Elle est supportée aujourd'hui par plus de 38 800 sociétaires éparpillés au niveau de toutes les communes et sections communales du département du Centre. L’expérience de COOPECLAS montre également que la faillite des coopératives en 2002 constituait un coup fatal asséné à l’économie haïtienne au cours des dernières années. Ces coopératives représentaient un moyen alternatif de financement pour les petites bourses. Il s’agit, en fait, de la meilleure forme d’inclusion financière. La différence fondamentale entre les banques commerciales et les coopératives est que les premières exigent la preuve de la rentabilité pour s’établir dans une communauté alors que les caisses d’épargne contribuent à bâtir cette rentabilité. Les deux approches sont très différentes. Et comme, très souvent, les petites communes et les sections communales ne peuvent pas faire la preuve de leur rentabilité financière, elles risquent d’être exclues du système financier. Ainsi, les autorités haïtiennes devaient favoriser l’implantation des coopératives crédibles dans les zones reculées du pays. Malheureusement, avec le scandale des coopératives en 2002, la confiance de la population dans le mouvement coopératif a été grandement ébranlée. L’État haïtien doit maintenant supporter les coopératives comme la COOPECLAS qui ont fait montre d’une gestion administrative efficace et rigoureuse. Dans son souci de promouvoir l’inclusion financière, la Banque de la République d’Haïti doit également accorder un encadrement particulier à ce type de coopérative en leur permettant notamment d’investir dans les bons BRH. En récompense de son excellente performance, la COOPECLAS a été décorée en avril 2017 au cours de la septième édition du Sommet international sur la finance organisé par le Group Croissance. Les organisateurs du sommet ont mentionné le fait que cette coopérative s’est hissée au rang des meilleures caisses populaires du pays, et comme la plus grande Coopérative du département du Centre. Outre les services d’épargne à terme, d’épargne spécialisée, d’épargne à vue, elle offre le crédit à la consommation, au commerce, au logement, à la production, particulièrement au secteur agricole. Une coopérative de ce genre dans chaque commune du pays serait d’une importance cruciale. Avec des dirigeants compétents et honnêtes, comme il en manque à la tête du pays.

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